9.12.09

Sauver Aminatu Haidar

Par Baba Mustapha Sayed

A voir l’état de santé alarmant d’Aminatu Haidar, une mère de famille, forcée à l’exil, par une conspiration des autorités marocaines et espagnoles, dans une île de nulle part, après avoir été arrachée de force à son pays et contrainte de se séparer de ses enfants et des siens, l’on peut que nourrir de réelles et sérieuses inquiétudes et craintes pour ce monde que nous voudrions laisser en héritage à nos enfants.
Aminatu Haidar dont le seul crime est d’avoir soutenu, avec sa détermination légendaire, que le Sahara Occidental – un territoire non autonome selon la terminologie même des Nations unies – attend toujours, depuis le début des années soixante, l’opportunité, aussitôt programmée, aussitôt reportée, de sa décolonisation sous l’égide de la communauté internationale dont les contingents ont été déployés à cette fin, depuis 1991. Et qui n’ont pas pu s’acquitter de leur mission à cause de l’entêtement et de l’intransigeance des autorités d’occupation marocaines
Le silence assourdissant et la lâcheté coupables dont font preuve les Nations unies, leur représentant au Sahara Occidental et les puissances occidentales devant la situation dramatique et intolérable d’Aminatu Haidar, ne peuvent que nous amener à s’interroger sur les motivations et les raisons de la démission irresponsable de ceux qui sont censés dire le droit et le défendre
Emmanuel Kant (1724-1804), grand penseur allemand, avait l'habitude de dire, certainement pour excuser et justifier le caractère vain de ses inlassables efforts pour établir la paix perpétuelle entre les Nations à laquelle il a consacré le clair de son temps et l'essentiel de ses forces et énergies, que l'humanité est faite d'un bois tordu et qu'il est difficile d'en faire quelque chose de droit. Refusant cette hypothèse qui invite à un fatal et angoissant pessimisme et qui, en même temps, ignore les immenses progrès, sans cesse, accomplis par l’Humanité dans tous les domaines, nous préférons faire notre la logique mise en exergue par le poète, Zouhair ibnou Abi Salma qui soutient que « l’injustice est une caractéristique de l’âme humaine, et que tout juste ne l’est que parce qu’il y a de réels motifs qui l’incitent à ne pas se montrer injuste. »
Et c’est ce principe, donner de bonnes raisons aux États pour ne pas être injustes qui a toujours régi les relations entre les États et que nous, les Sahraouis n’avons pas bien assimilé. En croyant que les Nations unies une fois qu'elles ont reconnu notre droit â l'autodétermination, ce dernier était définitivement acquis et qu'il nous ne reste qu'à en déguster les fruits. Erreur que les faits se sont chargés de nous montrer tout au long des péripéties du conflit qui nous oppose, depuis plus de trois décennies, au Maroc
Avec l’invasion militaire de notre pays en 1975 qui s’est effectuée en violation flagrante du droit imprescriptible de notre peuple, consacré par la communauté internationale, à la liberté et à la dignité, la signature des Accords tripartites entre L’Espagne, le Royaume du Maroc et la Mauritanie, un acte de brigandage caractérisé qui a permis à trois puissances étrangères de diviser notre peuple comme un troupeau de moutons et de disposer, comme elles l’entendent, de son territoire et de ses richesses et l’acceptation, dans la précipitation, en 1991 d’un cessez-le-feu qui devrait, sur le papier, être la première étape avant notre délivrance définitive et qui s’est révélé, dans la pratique, n’être que la corde qui a permis au Makhzen, depuis lors, de tout faire pour nous tuer à petits feux, nous venons, une fois de plus, de découvrir, à nos dépens, avec le calvaire d’Aminatu Haidar et bien avant elle. de ses sept compagnons, que les fondements des relations internationales n’ont pas changé. Et qu’un droit qui n’est pas défendu et protégé par la force (ou la ruse) cesse tout simplement d’être un droit
Nous l’avons encore vérifié hier, quand les autorités espagnoles, humiliées par le Makhzen, ont laissé entendre qu’elles pouvaient hausser le ton et demander à l’État marocain de respecter les droits d’Aminatu Haidar. La riposte des autorités marocaines ne s’est pas fait attendre longtemps. Elles ont fait savoir au pouvoir socialiste espagnol qu’il a tout intérêt à se tenir tranquille car, dans le cas contraire, ils n’hésiteront pas à lâcher leurs troupes de chômeurs à l’assaut de la citadelle espagnole, inonder les villes espagnoles par la drogue et pourquoi pas, multiplier les expériences d’Atocha.
Quelques minutes après le lancement de ces menaces, par deux personnalités proches du roi, le pouvoir espagnol a assuré les autorités du Maroc de toute leur compréhension et de leur coopération.
Alors que l’Espagne officielle s’est écrasée devant le chantage du Makhzen, n’est-il pas temps pour nous, dans le but de sauver la vie d’Aminatu Haidar, de déterrer, là où il s’est caché, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara Occidental, et de lui demander, gentiment mais fermement, de nous préciser et de préciser au reste du Monde y compris aux forces d’occupation marocaines, la nature de sa mission et comment il compte, désormais, l’accomplir après que le roi ait renié les engagements par lesquels il était lié à la communauté internationale et affirmé solennellement, lors de son discours du 6 novembre dernier, qu’il n’y aura plus, décidément au Sahara Occidental que deux types d’individus, un « marocain patriote »que l’administration coloniale va servir et sur lequel il va s’appuyer et « un traître » à sa patrie que cette même administration va s’employer à traquer et à combattre. Le représentant du secrétaire général qui a été aux abonnés absent au moment oû nous avions le plus besoin de lui pour réanimer ou sauver un processus de décolonisation en panne, doit nous dire s’il le courage et la force de rappeler les autorités marocaines à l’ordre et de les obliger à honorer leurs engagements ou s’il n’en a ni la force ni la volonté.
L’ambigüité n’est plus permise, croyons-nous, et la direction du Front Polisario, doit nous dire clairement quels sont ses objectifs pour l’étape difficile qui s’annonce et comment elle compte s’y prendre pour nous aider à dégager un horizon qui, eu égard à l’intransigeance du Maroc et à l’impuissance de la communauté internationale, s’obscurcit de plus en plus.
08.12.09
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